3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Le désert, c'est un endroit inculte, brûlé par le soleil, où rien ne pousse, où il n'y a aucune vie. Sans doute connaissons-nous le désert du Sahara, cette immense étendue de sable pratiquement inhabitée ? Mais en Palestine aussi il y a des contrées pratiquement désertiques, lieux de silence et de calme absolu. Et aujourd'hui, dans l'évangile, nous recevons le témoignage d'un homme du désert. On ne trouve pas tous les jours des hommes du désert. Et quand on en rencontre un, on est souvent bouleversé, à la fois par son message et par la façon dont il vit. Ainsi, Jean-Baptiste apparaît dans le désert et voici que les foules sont attirées par lui et vont le voir et l'écouter. Mais l'homme du désert peut être dangereux pour ceux qui sont bien installés. Il peut tout déstabiliser ! Alors, les grosses têtes de Jérusalem envoient des prêtres et des lévites auprès de Jean-Baptiste pour s'enquérir et pour vérifier sa carte d'identité. En effet, cet homme du désert ne porte pas les marques habituelles du prophétisme ni du messianisme. Il ne répond pas aux critères reçus. Alors, qui est-il ? La réponse arrive nette et précise. Il n'est pas le messie. Il n'est pas non plus Elie. On croyait en ce temps là qu'Elie n'était pas mort, mais qu'il avait été enlevé de cette terre sur un char de feu, pour y revenir à la fin des temps préparer la venue du messie. Jean déclare qu'il n'est pas Elie, qu'il n'est pas le Grand prophète, mais il vient seulement crier dans le désert que les chemins sont à aplanir. En cela, il réalise ce que le prophète Isaïe avait annoncé.

Des pharisiens se sont glissés dans la délégation. Il sont venus eux pour aller au fond des choses : "Pourquoi baptises-tu ?" La réponse les renvoie à eux-mêmes : 'Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas.. " Il eût été facile de donner une réponse toute prête. Il eût été facile de faire comme pour un catéchisme. Mais la foi n'est pas à réciter par coeur. Jésus n'est pas au bout d'un raisonnement. Il est né d'un coup de coeur : Jean-Baptiste leur répond : "Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : cherchez-le."

Ce message de Jean-Baptiste est-il encore actuel ? Il est grand le désert d'aujourd'hui. Non pas une vaste étendue de sable sans vie humaine. Au contraire. C'est un endroit très peuplé comme dans nos grandes villes, mais les gens y circulent sans se voir ni s'entendre, ils s'y croisent sans jamais se rencontrer ! Tout le monde court. Chacun est pressé par le temps. Tous essaient d'aller le plus vite possible, l'un à son travail, l'autre à ses occupations, à ses loisirs, ou simplement à rentrer chez lui. Personne ne s'occupe des autres, de ceux qu'il croise en chemin ! D'autres se construisent des petites cellules familiales, des petits ghetto d'amis, à l'abri des regards extérieurs. Combien de citadins n'achètent-ils pas un petit bungalow ou une villa à la campagne, et l'entourent d'un jardin avec beaucoup d'arbres, pour ne plus devoir s'occuper des voisins ? Pour toute fenêtre vers l'extérieur, il y a le petit écran de TV. Chacun regarde celui-ci, mais il n'y a plus de communication entre les spectateurs ! Pour toute écoute, c'est le walkman, où le jeune court dans la rue sans entendre aucun bruit, ni aucun appel, tout entier plongé dans sa musique. Pour toute écriture des initiales, ainsi par exemple : le centre public d'aide social devient le C.P.A.S., les "sans domicile fixe" deviennent S.D.F., ça fait plus propre et moins dérangeant. Combien de gens âgés ou malades ne vivent-ils pas isolés, surtout pendant la période des vacances, quand tous les autres sont partis ? surtout pendant le moment des fêtes, où l'on se sent davantage mis à l'écart puisqu'on ne peut plus y participer ? Chacun est donc replié sur soi-même pour vivre ou pour survivre et le principe devient "chacun pour soi et Dieu pour tous" Oui vraiment la vie d'aujourd'hui peut prendre l'aspect d'un véritable désert, par l'absence de communications ! Mais, dans ce désert d'isolement, des voix se sont levées. Ce sont quelques personnes non résignées à se laisser broyer par l'anonymat ou les injustices de la société moderne. Là, c'est un groupe de jeunes chômeurs qui n'ont pas accepté leur état et qui se sont réunis pour accomplir des travaux de dépannage ou de restauration de bâtiments, des besognes de jardinage de nettoyage ou d'autres services qui leur permettent d'être utiles et de faire face à leurs besoins financiers. Là, c'est un groupe de foyers en difficultés de crédit, qui se mettent ensemble afin de réfléchir aux conséquences de leur surendettement. et de trouver des solutions de solidarité pour faire face à leurs obligations. La se sont des personnes aux revenus modestes qui se mettent ensemble pour accomplir des achats groupés et obtenir ainsi des denrées à meilleurs prix. Là se sont des organisations non gouvernementales qui s'efforcent de venir en aide à des populations malheureuses par des récoltes de vivre ou de médicaments. Là encore se sont campagnes d'aide comme celle de VIVRE ENSEMBLE qui attirent l'attention cette année sur les logements défectueux et les remèdes à y apporter. Il y a aussi des jeunes qui veulent vivre autrement, des couples qui n'acceptent plus d'être rejetés en raison de leurs origines étrangères ou de la couleur de leur peau. Il y a aussi des gens que l'on expulse, ceux à qui on coupe l'électricité en ne leur laissant que 5 ampères, ceux pour qui l'hiver est un enfer. Il y a près de nous des gens qui meurent lentement du Sida et d'autres qui le propagent. Il y a parmi vous......

Mais toutes ces voix dérangent souvent. On préfèrent ne pas les entendre. Alors, autrefois de Jérusalem, de la ville sainte, sont venus les officiels, dûment mandatés. Ils arrivaient avec leurs lois, leurs livres saints, leurs traditions, pour demander au Baptiseur de justifier son action. Aujourd'hui, c'est peut-être de Rome que nous viennent les autorités religieuses, avec leur catéchisme universel, avec leurs déclarations et leurs certitudes. Ils croient détenir le monopole de la vérité et avoir réponses à tout. Eux seuls pensent connaître vraiment les chemins du Seigneur ! Mais le Seigneur vient souvent vers nous par des routes où l'on ne s'attend pas à le rencontrer. Aussi, résonne encore aujourd'hui en nos coeurs la voix du prophète : 'L'Esprit du Seigneur est sur moi. Il m'a consacré par l'onction et m'a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le coeur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance. Aplanissez donc le chemin du Seigneur. Il y a parmi vous quelqu'un que vous ne connaissez pas.

C'est l'esprit de Jésus, la mentalité de son évangile qui invite tous les gens simples à ne pas se laisser abattre mais à se lever, à se remettre debout, à créer tant de gestes de solidarité. Le Seigneur est donc présent parmi eux et c'est là qu'il nous faut le reconnaître.

Pour beaucoup d'entre nous, la fête de Noël risque de n'être qu'une fête familiale où l'on aime se retrouver entre soi, avec ses proches ou quelques amis. On se sent alors bien au chaud, à l'abris. C'est sans doute important mais ce n'est certes pas suffisant. Il faudrait, de quelques manières, - et elles peuvent être très diverses, - faire une place à celui qui vient d'ailleurs, à l'étranger, à celui qui n'a plus de toit pour s'abriter, qui est donc différent de nous, pour que Noël soit célébré davantage comme la fête de l'ouverture universelle : "Paix à tous les hommes que Dieu aime" chantaient les anges dans les campagnes de Bethléem. Que ce soit vrai aussi chez nous.