11eme dimanche du temps ordinaire

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 14/06/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B


11ème dimanche année B : le 14 juin 2015

Dans son spectacle « Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus », Paul Dewandre explique que beaucoup d’hommes, lorsqu’il leur est demandé de faire bouillir de l’eau, restent à côté de la casserole comme s’ils pensaient que l’eau allait bouillir plus rapidement. Il n’y a bien évidemment aucune corrélation entre la présence à côté d’une casserole et la rapidité avec laquelle l’eau va bouillir. Alors pourquoi les hommes agissent-ils souvent de la sorte ? Certains diront que, vu qu’ils sont mono tâches, ils ne peuvent accomplir qu’une action en même temps, d’autres diront qu’ils ont besoin de contrôler que l’eau va bouillir convenablement et surtout comme ils l’ont envisagé. Si cette dernière hypothèse est correcte, alors il est bon de méditer l’évangile que nous venons d’entendre.

En effet, celui-ci nous invite à une véritable dépossession, une démaîtrise ou encore un lâcher prise : « nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment ». Notre vocation humaine est d’une simplicité déconcertante dans le projet divin. Nous sommes des semeurs. Nous ne devons jamais nous arrêter de semer. Telle est notre tâche. Telle est notre destinée. Non seulement parce que semer, c’est s’aimer mais aussi parce que, toutes et tous, nous avons été appelés à la vie. Oui, osons semer sans jamais nous arrêter. La manière dont nos semences vont germer et grandir ne nous appartient pas. Il en est du ressort de la liberté de celles et ceux en qui nous avons semé. Il en va d’ailleurs pour nous comme pour Dieu. En effet, Dieu est le semeur par excellence et dès l’instant où il semé notre Création, il a choisi de s’en retirer pour nous laisser tout l’espace nécessaire afin que nous puissions à notre tour devenir des semeurs d’amour, des semeurs d’humanité. Mais comment faire pour vivre tout cela dans la sérénité ? Peut-être en acceptant de prendre le parti de la confiance et de la patience. Confiance et patience sont les qualités premières de tout semeur. Au tout début de notre existence, nous avions confiance puis au fil des ans, celle-ci a parfois été trahie, abimée. Nous avons appris à nous méfier et aujourd’hui, nous faisons confiance, c’est-à-dire qu’elle est devenue le fruit de notre volonté. Nous le décidons. Nous le risquons. Lorsque nous semons, nous sommes à notre tour invités à faire confiance en celles et ceux en qui nous avons semé. Ils sont la bonne terre de Dieu. Et comme toute terre, celle-ci est parfois un peu rocailleuse, un peu encombrée de mauvaises herbes. Osons cette confiance que la semence germera et grandira même si nous ne savons pas comment. Si Dieu nous a fait confiance, n’est-ce pas la moindre des choses d’en faire de même ? Mais la confiance doit s’armer de patience. Cette dernière doit être élevée au rang de vertu tellement elle est fondamentale. Dans la vie, nous avançons chacune et chacun à notre rythme. Il n’y a pas une voie universelle que tout le monde pourrait emprunter. Nous sommes façonnés par nos histoires respectives. Nous portons parfois des ballots de blé qui ne nous appartiennent pas et qui nous encombrent sur le chemin de notre destinée. Il peut aussi nous arriver de nous tromper, de trébucher, d’errer, voire parfois de transgresser. Telle est notre condition humaine. La patience est alors la vertu qui est capable de tolérer l’imperfection des conduites afin de mieux les parfaire. Je me permets de vous répéter cette dernière phrase : la patience est alors la vertu qui est capable de tolérer l’imperfection des conduites afin de mieux les parfaire. En ce sens, la vie peut nous sembler parfois douloureuse. Nous aimerions tant que ce que nous avons semé puisse mûrir tel que nous l’avions envisagé. D’où l’importance d’accepter cette démaîtrise, ce lâcher prise pour permettre à chacune et chacun d’advenir à lui-même à son propre rythme malgré ses incohérences. Effectivement, nous sommes les biographes de nos histoires et lorsque nous choisissons de l’écrire avec l’encre divine, nous en devenons les théographes. La théographie est la calligraphie de la foi qui s’écrit avec l’encre de la confiance et de la patience. S’il en est ainsi, il ne nous reste plus qu’à prendre notre confiance en patience et notre patience en confiance. Alors et alors seulement, viendra le temps de la moisson puisque le blé sera mûr.

Amen