4e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

"Je suis le Bon Pasteur"

Berger, pasteur, brebis, ce sont des termes qui évoquent pour nous des images de scènes champêtres, colorées souvent de poésie douce et facile. Mais quand ces qualités sont attribuées à Jésus, il s'agit plus tôt d'un combat. Car, lorsqu'il prononce ces paroles : "Je suis le Bon Pasteur" les forces hostiles sont déjà en action pour le mener à la mort sur la Croix.

Le texte que nous venons de lire est fort court et pourtant il résume assez bien la pensée de l'évangéliste Jean sur Jésus, sa mission et sa relation à Dieu son Père.

Puisqu'il va être livré aux mains des juifs, Jésus, le bon pasteur doit veiller à ce que les brebis, c'est-à-dire ses disciples, ne périssent pas . Il doit veiller à ce qu'elles ne lui soient pas arrachées des mains. Au moment de l'arrestation du Maître à Gethsémani, l'évangile de Jean nous montre le Christ allant au devant de ceux qui viennent l'arrêter. Il les interpelle en leur criant :"Qui cherchez-vous ?" "Si c'est moi que vous cherchez, ceux-ci laissez les aller". Pour Jésus, il ne faut pas que les apôtres périssent avec lui. Il compte sur eux pour reprendre sa cause après sa mort. Aussi donne-t-il librement sa vie pour eux.

A l'inverse des mercenaires, il va se dessaisir de sa propre vie. Le mercenaire, celui qui n'est pas vraiment le berger et à qui les brebis n'appartiennent pas, voit-il venir le loup, il abandonne les brebis et prend la fuite.. Le loup s'en empare alors et les disperse.

A la croix, Jésus se dessaisit de sa vie pour les tous les humains. Il n'a pas pris la fuite. Il a été jusqu'au bout. Jésus est passé par la mort pour nous donner son Esprit et pour rassembler tous les enfants de Dieu dispersés. C'est pourquoi il est le seul vrai pasteur. Il est le seul à pouvoir porter le titre de bon, parce qu'il donne la "vie éternelle". C'est seulement à la lumière de Pâques que s'éclaire le titre que Jésus se donne.

"Mes brebis écoutent ma voix et je les connais" Pour un juif, l'expression "connaître" déborde le savoir abstrait et exprime une relation profonde. Connaître une chose, c'est en avoir l'expérience concrète. Connaître quelqu'un , c'est entrer en relation personnelle avec lui.

Jésus est celui qui vient parler au nom de Dieu. Sa mission est de révéler aux hommes tout l'amour que Dieu a pour eux. Toujours dans la passion selon S. Jean, nous entendons Jésus déclarer devant Pilate : "Je suis né, je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité".

Les brebis, c'est-à-dire les disciples, écoutent Jésus Mais déjà pour l'écouter, il faut être de Dieu. C'est pourquoi le Christ considère ses apôtres et ses disciples comme un don du Père. "Mon Père, qui me les a données" est-il dit dans le texte de l'évangile de ce jour. C'est l'idée force de Jean : devant Jésus, les hommes se séparent en deux groupes, ceux qui l'écoutent et ceux qui le rejettent. Les premiers peuvent écouter de par le Père et forment ainsi le troupeau. Au moment de la croix, Jésus achève sa mission et apporte la vie à ceux qui le suivent.

Enfin, l'évangéliste est particulièrement sensible à montrer tous les liens unissant Jésus à son Père. D'ailleurs son intention n'est-elle pas de nous amener à croire que Jésus est vraiment fils de Dieu. Le Père et moi, nous sommes UN.

4e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Il y a une dizaine de jours, un animateur de mouvements de jeunesse de Rixensart posait la question suivante à son staff : « pourquoi continuons-nous à venir presque tous les samedis à 14 heures aux mouvements de jeunesse alors que les jeunes que nous animons nous engueulent et ne sont jamais contents ? ». C'est vrai pourquoi continuer quelque chose alors que nous en retirons très peu de gratitude, de reconnaissance. Est-ce la peur de s'ennuyer le samedi après-midi, un plaisir masochiste dissimulé sous une bonne action. Non, il doit, enfin je l'espère, il y avoir autre chose. « Si nous venons ici constata cet animateur, c'est parce que c'est quelque chose de bien ».

Cette réflexion, me semble-t-il, peut être transposée à nos eucharisties dominicales. Nous y venons, par habitude, par conviction personnelle, par besoin de ressourcement, pour prendre un peu de temps avec soi et avec Dieu. Certains dimanches, nous nous y sentons bien, les lectures nous parlent, nous interpellent et puis d'autres fois, en sortant, nous ne nous rappelons même plus de l'évangile et encore moins de la prédication, durant tout le temps de la célébration, nous étions ailleurs, dans notre ailleurs, c'est-à-dire au plus profond de nos pensées soit à la rencontre de Dieu, soit nourries de préoccupations humaines. Et c'est la vie, tout simplement la vie. Elle est d'autant plus étonnante qu'il nous arrive parfois d'entendre un texte biblique comme si c'était pour la première fois, comme s'il venait d'être écrit. En effet, nous dit le Christ ce soir, mes brebis écoutent ma voix. Nous sommes ses brebis et la manière dont nous écoutons sa voix varie de personne à personne. Notre écoute qu'elle soit celle de Dieu ou celle de nos proches, dépend de multiples facteurs : notre histoire personnelle, nos problèmes et nos joies... Il nous arrive d'entendre et de faire le sourd. Le texte révélé se découvre à nous lors de nos lectures de manière nouvelle, fraîche en fonction de là où nous en sommes dans notre propre vie. A chacune et chacun de le recevoir dans le silence de son coeur, de le méditer pour pouvoir continuer à grandir sur notre propre chemin de vie.

Se serait évidemment fortement réducteur de ne voir l'écoute de Dieu qu'à partir des écritures. D'ailleurs le Christ ne dit pas cela. Il dit simplement : mes brebis écoutent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent. La voix de Dieu s'exprime à nous aujourd'hui encore de multiples manières. Cette voix ne s'est pas éteinte avec le temps. Elle est peut-être plus difficile à entendre dans notre société polluée par le bruit et l'empressement. En effet, la voix de Dieu s'exprime dans la brise légère, elle ne crie pas, elle susurre au creux de nous-mêmes. Et pour pouvoir l'entendre, il nous faut arrêter notre cinéma intérieur. Cette voix divine se laisse rencontrer lorsque nous reprenons le contact avec elle mais elle surgit également là où nous nous y attendons le moins. Dieu continue de nous parler, à travers de multiples signes, à travers de multiples rencontres. A nous de les déceler et de les nommer.

Reconnaître et nommer la voix de Dieu, c'est oser dire, « ici, je crois que Dieu est présent. Je ressens quelque chose qui me dépasse et me fait du bien ». Et ça, c'est un sacrement. C'est vrai, l'Eglise reconnaît aujourd'hui au moins 7 sacrements, mais des sacrements, au sens où ils sont des signes visibles de la présence de Dieu, il y en a non pas 7, dix ou cent mais des millions. Ils parsèment nos vies dans ce que nous faisons et lorsque nous aimons. Ecouter la voix de Dieu, c'est prendre conscience de cette présence et oser la reconnaître. Lorsque les événements de nos vies sont sacramentels, signes visibles de le présence divine, Dieu nous invite à le suivre, à répondre à son invitation. Et si ce soir (matin), nous faisions tout simplement silence en nous pour écouter la voix de Dieu et se mettre à le suivre.

Amen.

Sainte Famille, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Joseph, Marie et Jésus, un type de famille dont on rêverait bien comme d'un idéal. Des parents qui s'entendent et un enfant bien sage. Personnes humbles et pieuses, fidèles aux traditions, qui, comme chaque année, vont en pèlerinage jusqu'à Jérusalem, pour la fête de la Pâque. Alors que, de nos jours, tant de couples se disloquent, tant de jeunes s'en vont, comment ne pas choisir cette famille comme modèle ?

Cette année, pour célébrer la Sainte Famille, la liturgie propose à notre méditation la scène du recouvrement de Jésus dans le Temple à l'âge de douze ans. L'escapade de Jésus adolescent et la réponse frondeuse à sa mère ont sans doute un côté sympathique. Comme tous les jeunes au sortir de l'enfance, Jésus manifesterait une première velléité d'indépendance par rapport à ses parents. Mais, après cette parenthèse, il est rentré bien sagement avec eux à Nazareth et il leur était soumis. Jésus a donc pu grandir et se développer humainement dans l'atmosphère harmonieuse d'une famille parfaite !

On peut vraiment se demander si c'est vraiment l'intention de l'auteur sacré de nous présenter ainsi la Sainte Famille ? Cet épisode est d'ailleurs le dernier récit de ce qu'il est convenu d'appeler "l'évangile de l'Enfance", ces deux chapitres placés plus tard au début de l'évangile de Luc. IL me semble que cette scène doit être plutôt comprise dans la perspective de la résurrection du Seigneur ! Les parents, nous dit-on, emmènent avec eux à Jérusalem leur enfant de douzeµ ans. Et voilà qu'ils le perdent. Ils se mettent à le "chercher", pendant trois jours et bien qu'ils le trouvent enfin dans le Temple, ils ne comprennent pas que Jésus est "chez son Père". En réalité, ce ne sont pas les parents qui apprennent où doit être Jésus, "Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait", mais c'est le lecteur de l'évangile qui acquiert un savoir. En effet, par le biais de ce récit, il apprend que le véritable lieu où il faut maintenant chercher Jésus c'est "chez son Père".

L'histoire ne nous transmet aucune des questions posées par l'enfant aux maîtres de la Loi, ni aucune de ses réponses. Mais elle souligne l'intelligence de l'enfant qui connaît et comprend la Loi. Elle est sans doute inspirée par la figure du jeune Samuel, qui avait douze ans lorsque ses parents le laissèrent au temple de Silo où il reçut bientôt le don de prophétie et où l'on vantait son intelligence.

La seule parole rapportée ici et la première de toutes celles qu'il a prononcées, est précisément l'indication du lieu où l'on peut désormais le trouver, parole d'ailleurs incompréhensible pour Marie et Joseph : "Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être." Cette révélation du Christ semble ainsi plus importante que le Temple et la Loi.

Nous pouvons aussi relever dans ce récit des allusions fréquentes au thème de la passion et de la résurrection. Quelques détails de cette histoire font penser à ce que Jésus fera plus tard. Ainsi la montée en pèlerinage vers la ville sainte évoque la Pâque du Seigneur : "comme arrivait le temps où il allait être enlevé du monde, Jésus prit résolument la route de Jérusalem". Jésus perdu enfant, est retrouvé au bout de trois jours, comme il sera plongé trois jours dans la mort. La réponse faite à ses parents trouve un écho en celui adressé aux femmes, le matin de Pâques :"Pourquoi cherchez-vous parmi les morts, celui qui est vivant ?" Et dans l'évangile de Luc, la première parole de Jésus, mais aussi la dernière, est pour parler de son Père d'auprès duquel il enverra son Esprit. A la manière d'un écrin mettant en valeur un joyau, bien des éléments du récit du recouvrement ont pour fonction de souligner la parole du Christ : "Il me faut être chez mon Père".

Pour parvenir à la confession de foi en Jésus, Fils de Dieu, les évènements de Pâques sont nécessaires. On ne peut comprendre aujourd'hui qui est Jésus sans l'expérience pascale. Le sens profond du recouvrement s'éclaire donc à la lumière de Pâques, passage de Jésus vers son Père. Seul Pâques révèlera que pour Jésus "être chez son Père", c'est par sa passion et sa mort entrer dans la gloire divine.

Ainsi, si Jésus est déclaré Fils de Dieu par sa résurrection, nous voyons que la foi de la communauté chrétienne primitive affirme clairement qu'il l'est déjà dès son enfance et même dès le premier instant de sa conception, comme le montre l'épisode de l'Annonciation. Cette foi des premiers chrétiens est aussi la nôtre. Jésus est Fils de Dieu, durant son enfance autant que tout au long de sa vie humaine. Maintenant qu'il est ressuscité chez son Père, il nous donne son Esprit pour nous permettre de continuer à construire le Royaume qu'il est venu inaugurer.

Aujourd'hui, alors que nous célébrons la famille de Nazareth, c'est aussi dimanche, Jour du Seigneur, jour de la résurrection. Nous trouvons donc Jésus chez son Père, tandis qu'avec l'aide de son Esprit nous nous attachons à vivre mieux son Evangile dans les familles et les communautés humaines auxquelles nous appartenons.

17e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

REGARDS SUR JESUS.

La prière de Jésus.

C'est sa prière personnelle que Jésus enseigne à ses amis. Pour que les chrétiens prient comme Jésus, regardons ensemble sa prière.

« Un jour, quelque part, Jésus était en prière. » C'est ainsi que Luc aime souligner la fréquence de la prière de Jésus, l'importance pour lui de prier aux moments importants de son existence. C'est comme s'il s'agissait d'une habitude, d'un comportement naturel.

Il a vécu à tous les moments de sa vie le mouvement de confiance et d'abandon en celui qu'il appelait « père ». L'intimité immédiate avec Dieu le conduisit au désir violent de le faire connaître et aimer par ses frères les hommes. D'inviter ceux-ci à demander l'essentiel : le pain, le pardon et la liberté.

Il a pu s'en remettre à Dieu, mais sans se démettre de ses responsabilités de travailler au changement du monde, en nourrissant les foules, en pardonnant et donnant ainsi une nouvelle chance, en libérant les prisonniers d'eux-mêmes ou des préjugés.

Il nous fait entrer dans l'élan de sa prière car il le Fils qui s'adresse à Dieu mais bien sûr avec des mots humains. Jésus est un « maître à prier ». Les disciples en sont persuadés qui viennent lui demander de le leur apprendre, comme Jean-Baptiste l'avait fait pour les siens.

REGARDS SUR NOTRE VIE.

Prier, est-ce bien nécessaire ? N'est-ce pas perdre son temps ? D'abord, je prie et je ne suis pas nécessairement toujours exaucé. Et puis il y a peut-être mieux à faire. Ouvrir tout grand les bras aux enfants, aux petits.

Accueillir l'étranger et faire place au malade. Lutter pour la justice et aider son voisin. S'engager au service de ceux que l'on rejette. Je ne suis pas prêt à dire comme les apôtres : « Apprends-nous à prier ».

En regardant Jésus, je comprends que prier et demander ce n'est pas attirer mon Dieu, attendre des miracles et des consolations. C'est d'abord admettre ma fragilité et autant que celle des autres, notre fragilité commune. C'est surtout apprendre à regarder les hommes comme Dieu les regarde, chercher un nouveau souffle pour poursuivre le combat au service de tous ceux qu'il aime avec passion. Rien de ce qui nous intéresse n'est étranger à Dieu et rien de ce qui intéresse Dieu ne devrait nous être étranger. Prier à la suite de Jésus, ce sera donc prendre le temps de vérifier si ce qui a de l'importance pour Dieu en a aussi pour nous. Quand nous disons : « Que ton nom soit connu de tous, que ton règne vienne » nos projets, nos entreprises sont-ils proches du sien ?

Prier à la suite de Jésus, ce sera donc demander ce qui est important pour nous : le pain, le pardon, la liberté. C'est souhaiter adopter toujours plus un comportement familial avec tous. C'est en famille qu'on partage la nourriture quotidienne et le pain, c'est en famille qu'il faut savoir pardonner pour maintenir l'amour et l'entente, c'est en famille qu'il faut apprendre l'autonomie de chacun dans le respect de sa liberté et de son épanouissement. Or nous sommes de la famille de Dieu ! Enfants d'un même Père, nous avons besoin de partager, de nous réconcilier, de vivre en liberté tout en respectant celle des autres.

Prier à la suite de Jésus, c'est m'adresser à Dieu avec mes soucis quotidiens, en n'ayant pas peur d'être parfois casse-pieds. Il n'y a pas à craindre d'être importun. C'est à force de demander que grandit le désir et que s'affirme la confiance en quelqu'un. Il n'y a pas à craindre d'être sans-gêne ou trop familier, car - nous dit Jésus- le c½ur de Dieu est plus humain que tous les c½urs des pères de ce monde. « Frappez, cherchez, demandez » Est-ce à dire que Dieu va changer le cours du monde ? La prière n'a pas pour but de convertir Dieu à notre manière de voir : c'est nous qu'elle convertit, c'est notre c½ur qu'elle change.

Dans un de ses romans, Agatha Christie donne une excellente définition de la bigote : « Madame passait chaque jour une heure à l'église pour expliquer à Dieu comment les choses devaient être faites pour être bien faites. » Si nous prions ainsi, nous ne pouvons être exaucés. Mais si nous nous engageons dans un échange c½ur à c½ur avec Dieu, il nous fera entrer petit à petit dans sa manière de voir, sans son Esprit. « Combien plus le Père céleste donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » Nous serons donc prêts à voir les choses autrement, à lutter nous même pour changer les situations de mal.

4e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

« A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux ». Mais de quels mots peut-il donc bien s'agir pour que des hommes et des femmes, tout ce qu'il y a de plus ordinaires, soient à ce point furieux, qu'ils sont prêts à commettre un meurtre pour se débarrasser de cet indésirable qui en quelques mots a fait monter en eux une colère telle. Une forme de pseudo-crime passionnel, irrationnel puisque ce sont les sentiments premiers, bruts qui les animent.

Ce soir (matin), nous sommes invités à prendre un peu de temps pour vérifier nos propres colères. Elles disent je crois énormément de nous, en tout cas, certainement plus de nous que ce que la colère tente de combattre. En effet, si cela ne nous touche pas, si je ne suis pas concerné dans mon essence, dans mon existence, les sentiments furieux ne prendront pas le dessus et ne guideront pas ma conduite. A la lecture de l'évangile nous pourrions nous sentir assez loin de la problématique des gens de cette synagogue et pourtant à y regarder de plus prêt, nous voyons que ce thème reste vraiment d'actualité, ici sur notre terre.

Comme le montre le Christ, il est venu pour chacune et chacun, il ne fait pas de différence : Dieu est pour tout le monde. Et la réaction de ses contemporains, c'est un peu comme s'ils disaient, Dieu pour tous d'accord, mais pas pour ces gens-là. « Ces gens-là », comme chante Brel, ont existé de tout temps et de toute culture. Ce sont ceux que nous rejetons car ils sont différents, en tout cas pas comme nous, que ce soit niveau social, culturel, ethnique, religieux... Et hélas, l'histoire de notre humanité est illustrée de ces épisodes où lorsque l'on se met à regarder l'autre comme faisant partie de ces gens-là, très vite, pour ne pas dire tout de suite, il y a des dérapages et un espace grand ouvert à la montée d'extrémismes de toutes formes. Vous l'aurez compris, je ne puis ce soir m'empêcher de vous parler des trois semaines que je viens de vivre au Rwanda. Ce ne sont pas des souvenirs de vacances mais plutôt des souvenirs de souffrance. Souffrance d'un peuple tout entier et désespéré. Au long des ces jours, j'ai rencontré des femmes et des hommes désespérés, soit parce que leurs familles ont été décimées lors du génocide, d'autres parce que de nombreux membres sont en prison, ou encore ne sont jamais revenus des camps de réfugiés. Jusqu'il y a peu je ne savais pas que des gens pouvaient pourrir au sens premier de terme, c'est-à-dire se décomposer dans leurs corps. C'est ce qui hélas se passe en prison là-bas. Comment peut-on continuer à garder l'espoir quand on a vécu une histoire comme celle-ci. Durant la guerre, il avait caché, chez lui, dans un faux plafond, un groupe de gens de l'autre ethnie. Une des ces personnes est tombée malade et toussait, elle a alors quitté la cache pour que les autres puissent rester sans être découvert par ses toussotements. Il fut pris par les milices, torturé et dénonça les autres. Pour punir celui qui avait caché, les milices, sous peine d'abattre sa femme et ses six enfants, exigea que cet homme tue lui-même, l'un après l'autre, celles et ceux qu'il nourrissait depuis des semaines. Il le fit, mais comme il avait quand même fauté, les milices tuèrent ensuite sa femmes et ses six enfants. Cet homme n'a plus le goût de vivre... Cette histoire n'est qu'un exemple parmi tant et fait le lot quotidien de ce que l'on entend.

Voilà, me semble-t-il, un pays qui s'est anéanti en considérant l'autre comme faisant partie de ces gens-là, ceux qui ne doivent pas exister. Les Tutsis et les Hutus opposés au régime étaient appelés les serpents. Et les serpents, pour s'en débarrasser, on les coupe en morceaux, à la machette, c'est pourquoi, tant et tant payaient pour qu'on les tue plutôt par balles. « Ces gens-là » ont été tués, mais je puis vous assurer qu'aujourd'hui encore « ces gens-là », même s'ils ont changé d'ethnie, de majorité politique, continuer à être assassinés. Chaque jour des hommes, des femmes et des enfants meurent. Les massacres ne se sont pas arrêtés. On sent dans le pays un tension très forte, vais-je être attaqué, tué cette nuit par les milices voire même l'armée. Suspicion, peur sont le pain quotidien. En plus de cette guerre-là, il faut également mener celle contre le sida, les chiffres sont éloquents : 30% de la population, plus de 60% des universitaires en sont atteints. Le désespoir se lit sur les visages. A quoi bon, se battre de toute façon, d'ici peu je mourrai... Puissions-nous ne pas les oublier dans notre prière et dans nos coeurs, puissions nous implorer Dieu d'envoyer son Esprit sur ces pays de la région des grands lacs d'Afrique pour qu'ils redécouvrent que seul l'Amour dont saint Paul nous parle, est le fondement de toute réconciliation. Amen.

Dimanche de Pâques

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 1997-1998

Cette fête de Pâques est très riche symboliquement. En la résurrection de Jésus, nous voyons le renouvellement de la vie, le triomphe de la vie sur la mort, de l'amour sur la haine, du bien sur le mal, de l'espérance sur le désespoir, de la lumière sur les ténèbres, de l'esprit humain qui refuse d'accepter la défaite. La commémoration de Pâques peut nous donner une nouvelle énergie, et peut-être un nouveau courage, la possibilité d'espérer dans une situation qui semble impossible. Le fait que nous célébrions Pâques au printemps, quand les arbres et les plantes refleurissent après un hiver où ils semblaient morts, quand la lumière revient après des mois de ténèbres, renforce le message symbolique de Pâques.

Tout ce symbolisme nous dit quelque chose d'essentiel, qui va au plus profond du coeur humain. C'est pourquoi il y a une fête de vie, une fête de renouvellement, dans beaucoup de religions. Mais, confronté à ce symbolisme, il ne faut pas être trop romantique, il faut être réaliste. En fait, en ce monde, l'amour ne triomphe pas toujours sur la haine ; au contraire, le mal triomphe trop souvent sur le bien. La vie n'est pas toujours vainqueur sur la mort. Même les arbres meurent. Tout ne finit pas bien.

L'importance de notre fête de Pâques est le fait qu'elle est réaliste. En célébrant Pâques nous ne fêtons pas qu'un symbole. Chaque année, nous soulignons le fait que Jésus est vraiment ressuscité des morts. Nous ne disons pas seulement que l'histoire de la résurrection est une belle histoire, nous disons que c'est une histoire vraie. Jésus est réellement ressuscité des morts : ce n'est pas qu'une belle image, c'est la réalité, même si c'était impossible.

Les premiers disciples n'étaient pas des romantiques mais des réalistes. Ils ne croyaient pas en la victoire du bien sur le mal, de la vie sur la mort. Jésus était mort, c'était la fin. Ils ne croyaient pas d'abord que Jésus soit ressuscité. Ils avaient raison, car il est vraiment impossible que quelqu'un ressuscite des morts. La mort est définitive, elle n'est pas un sommeil transitoire. La mort, c'est vraiment la fin d'un être humain comme de tout animal. Aujourd'hui, parfois, les médecins réussissent à sauver la vie de quelqu'un, même s'il ne respire plus, même si son coeur ne bat plus, même s'il semble mort. On refuse d'accepter qu'il soit vraiment mort, et on se bat pour qu'il vive. Mais les efforts des médecins ne réussissent pas toujours. Souvent, trop souvent, on doit accepter que le patient est vraiment mort, et cela veut dire qu'il ne respirera plus jamais, que son coeur ne battra plus, qu'il ne parlera plus jamais avec ses amis, qu'il ne rompra plus jamais de pain avec eux. Il y a deux mille ans, ayant passé déjà deux jours dans la tombe, Jésus était définitivement mort ; tout le monde le savait, y compris ses disciples. L'affaire triste de Jésus était terminée. C'était la fin.

Mais ce que les disciples ont vu, ce qu'ils ont entendu, ce qu'ils ont touché les a contraints, si réalistes qu'ils soient, à croire que Jésus était vraiment ressuscité des morts. C'était tout à fait inattendu, parce qu'impossible. Ce n'était pas une tournure étonnante au milieu de l'histoire de Jésus, parce que cette histoire était déjà terminée. Mais, après la fin d'une histoire d'espoir et de déception, de l'amour écrasé, une nouvelle histoire avait commencé. Dieu, créateur du ciel et de la terre, avait fait un nouveau commencement, il avait lancé une nouvelle création.

La fête de la résurrection ne nous dit pas que, malgré les apparences, tout finira bien. Cela ne serait pas réaliste, ce n'est pas notre expérience. Il ne faut pas s'attendre à ce que Dieu intervienne juste avant la fin de l'affaire pour nous rendre heureux. La résurrection nous dit que, après nos déceptions et nos défaites, même définitives, après la fin de notre histoire, Dieu crée une nouvelle histoire, tout à fait inattendue. En Jésus ressuscité, nous sommes intégrés dans une nouvelle création, dans une nouvelle histoire, où la vie triomphe vraiment sur la mort, la joie sur la tristesse.

Joyeuses Pâques !

Tous les Saints

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 1997-1998

« J'ai vu une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues » On les appelait les saints. C'est l'Eglise aux cent visages qui se montre sous son beau jour. Ce sont des gens qui ont marqué autrefois de leur empreinte toute une époque ou une région. Témoins de Dieu, qui vécurent dans le passé ou d'autres qui furent créés de toutes pièces par l'imagination populaire. Martyrs ou confesseurs de la foi, des célibataires, évêques ou prêtres, des femmes, vierges ou veuves, mais si peu de gens mariés. Des saints religieux qui sont destinés à l'usage des ordres ou des congrégations : bénédictins, franciscains, dominicains, jésuites et autres, proposés comme modèles aux membres de ces institutions.

Fête de tous les saints : c'est l'Eglise qui donne l'image de ce qu'elle fut : majesté des visages aux portiques de nos cathédrales et mièvrerie de tant de nos statues et de nos images pieuses ! Témoins qui nous conduisent à Dieu et saints à qui l'on tente de soutirer des faveurs ou des miracles. Ceux que le peuple de Dieu reconnaît spontanément et ceux que Rome hésite à canoniser, parce qu'ils ont un défaut ou peuvent être gênants.

Il y a peut-être bien longtemps qu'ils ont quitté ce monde. On les appelle les saints et on les dit heureux. Mais n'est-ce pas un rêve ? Et je me suis demandé si l'on ne me faisait pas miroiter un avenir meilleur pour m'endormir, pour nous aider à supporter la vie sur cette terre, la souffrance et les épreuves. Je me suis demandé, si l'Eglise n'enseignait pas : « Sois sage et espère. Le bonheur, c'est pour un autre monde, c'est pour plus tard, c'est pour demain. Dieu te le rendra au centuple » Mais il me semble que le bonheur, c'est toujours pour demain.

Et puis, j'ai écouté, Jésus qui instruit ses amis sur la montagne. Il invitait au bonheur. « Soyez heureux, disait-il, pas demain mais aujourd'hui. Ne vous laissez pas dominer par l'argent. Ne vous laissez pas tenter par le pouvoir. Osez plutôt vous ranger du côté des plus faibles. Vivez le partage, la solidarité. Acceptez volontiers le peu que les petits et les autres vous offrent en gage de leur amour. Exigez la justice pour tous. Soyez doux et assez forts pour ne pas vous enger contre ceux qui ne vous acceptent pas. Efforcez-vous de pardonner pour que l'ennemi d'hier soit l'ami d'aujourd'hui. Soyez allergiques à toute forme de violence, car la violence appelle nécessairement la violence. Arrêtez donc son escalade. Vivez comme des gens libres, respectant les droits des autres et leur permettant aussi de s'exprimer librement. Si vous faites cela, vous serez heureux, pas demain, mais dès aujourd'hui. » Jésus lui-même connaissait le bonheur de vivre ainsi ! Si ses disciples ont bien retenu ses invitations, c'est qu'ils avaient eu la chance de vivre avec lui, qui chaque jour de son existence, les mettait en pratique.

J'ai compris alors que ce n'était pas un rêve. Car, ils étaient vivants ceux qui cherchaient ainsi le bonheur ici-bas, qui le répandaient et qui le partageaient. Ils faisaient des heureux. Et ils inauguraient le grand rassemblement de toutes les nations, races, peuples et langues. Le grand rassemblement des hommes que Dieu aime parce qu'ils lui ressemblent. Un monde tout nouveau.


Dimanche de Pâques

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 1997-1998

La résurrection de Jésus, c'est le triomphe de la vie sur la mort. Pas seulement pour Jésus, mais pour nous tous. Jésus ne triomphe pas que pour lui-même. Dans la résurrection de Jésus, Dieu nous promet à tous la vie éternelle. Jésus est les prémices, nous le suivrons. Quelle merveilleuse promesse, cette résurrection ! Quel merveilleux cadeau, la vie éternelle !  Ou est-ce que c'est plutôt une menace ? Pour comprendre la résurrection comme une promesse, il faut vouloir vivre. La vie à jamais : est-ce que c'est vraiment ce que nous voulons ? Certainement, nous ne le voulons pas tous. Il y a ceux pour qui la vie n'est pas un cadeau, qui attendent, même avec impatience, la fin de leurs jours.  Pensons à certains malades qui savent qu'il n'y aura pas de guérison pour eux et à qui la vie apporte chaque jour des douleurs ou des humiliations nouvelles ; dans la Bible, c'est le cas de Job, qui n'espère que mourir.  Pensons aux prisonniers qui n'ont aucun espoir d'être libérés, qui sont peut-être humiliés et torturés par leurs gardiens, et qui ne veulent qu'être tués.  Pensons à ceux qui, pour n'importe quelle raison, se méprisent ou se détestent, pour qui chaque jour est un supplice parce que, quoi qu'ils fassent, où qu'ils aillent, ils sont accablés d'une manière insupportable par eux-mêmes.  Pensons à ceux qui vivent dans une solitude profonde, qui sont au milieu d'une société ou d'une famille pour laquelle ils n'existent pas, qui semble les rejeter ou simplement les oublier. Souvent, leur seul soulagement et de dormir, et pour eux le sommeil est un avant-goût d'une mort soulageante.  Aussi, le nombre de personnes qui se suicident ou qui tentent de se suicider est témoin du fait que la vie n'est pas toujours un cadeau.  Il y a beaucoup de cas moins dramatiques, de personnes qui, quoiqu'elles supportent assez bien leur vie, acceptent voire guettent la fin de leurs jours : par exemple, ceux qui sont usés et épuisés par une vie trop pleine de travail et de soucis et qui veulent se reposer ; ou ceux dont le corps, trop âgé et ne fonctionnant qu'à moitié, est plutôt un fardeau que l'expression de leur humanité.  Non, il n'est pas évident de dire que la résurrection de Jésus est une promesse à accepter avec joie. Pourtant, l'Église nous invite tous à en faire la source de notre joie, parce que cette résurrection n'est pas la menace d'une vie sans fin, elle est la promesse d'une vie transformée.  La résurrection de Jésus ne peut être comprise que dans l'optique de sa vie sur terre avant sa mort. Il guérit les corps et il guérit les âmes. Il guérit les malades, les paralysés, pour que leur corps ne soit plus un poids à supporter, et il change le coeur humain pour qu'il soit capable d'aimer. Cette guérison, physique et spirituelle, est un avant-goût et un gage de la résurrection. Comme le dit saint Paul : "Le corps est semé corruptible ; il ressuscite incorruptible ; il est semé méprisable, il ressuscite glorieux ; il est semé infirme, il ressuscite plein de force ; il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel" (1 Cor 15:42 - 44). Si Dieu remplit le corps de vie et de force, la force et la vie qu'il donne à l'âme est l'amour. Si nous aimons, nos voisins ne vivront plus dans une solitude insupportable ; si nous aimons, nous ne nous maltraiterons plus les uns les autres, nous ne nous exclurons plus les uns les autres ; si nous aimons, nous nous pardonnerons mutuellement, nous nous pardonnerons nous-mêmes. Vivre dans l'amour, c'est un élément essentiel de la résurrection, et cet amour nous permettra de vouloir vivre à jamais.  Par amour, Dieu, qui est amour, nous invite à partager sa vie éternelle ; c'est-à-dire qu'il nous invite à vivre éternellement dans l'amour. C'est pourquoi déjà, chaque fois que nous faisons à un autre un geste d'amour, nous vivons ensemble un avant-goût de la résurrection. C'est aussi pourquoi l'Église a raison de nous inviter à fêter dans la joie le triomphe de Jésus, le triomphe de la vie et de l'amour sur la mort. 

18e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Il était fier, cet homme de la parabole, légitimement fier ! Il avait travaillé, sa terre avait produit. Il entasserait son blé, il aurait des réserves pour de nombreuses années. Il pourrait se reposer, jouir de l'existence.

Jésus nous parle ainsi d'un riche fermier, tirant de ses biens fonciers un profit croissant. Habile homme d'affaires, il calcule ses revenus et décide de construire de nouveaux entrepôts. Il réinvestit ses bénéfices, au lieu de les partager avec ses ouvriers.

Jésus met donc le doigt sur l'instinct de propriété qui se cache derrière ce type d'entreprise, par ailleurs si naturelle : stocker pour se protéger des coups du sort, s'assurer contre les risques et les concurrents. Aujourd'hui comme autrefois, il y a tant hommes parmi nous qui sont fiers eux aussi d'avoir réussi à la force du poignet. Ils ont acquis une situation stable. Leur avenir est assuré.

Parmi eux, il n'y a pas seulement des hommes et des femmes plus âgés qui ont acquis une bonne retraite, qui se sont assurés de gros revenus. Il y a tous ces hommes et ces femmes qui s'efforcent d'exceller dans leur profession, qui luttent sans cesse pour gagner plus, pour remporter des marchés, qui sont des « battants » dans notre société compétitive. Il y a aussi tous ces jeunes qui espèrent réussir mieux encore dans cette course au profit et à l'argent. S'il est vrai que l'argent ne fait pas le bonheur, du moins il y contribue considérablement. En tous cas aujourd'hui il est indispensable pour pouvoir consommer davantage.

Il y a aussi parmi nous tant d'hommes et de femmes qui ont lutté et luttent encore pour être et demeurer de bons chrétiens, pour rester fidèles, pour obéir aux lois et aux commandements de l'Eglise. Ils ont bien du mérite.

Mais voilà ! Jésus réagit autrement « gardez-vouss, dit-il, de toute âpreté au gain, car la vie d'un homme fut-il dans l'abondance ne dépend pas de ses richesses. »

En effet, ce qui intéresse le riche propriétaire de la parabole, c'est simplement avoir, entasser, engranger. De même, ce qui intéresse les hommes et les femmes d'aujourd'hui qui réussissent, c'est non seulement de gagner, d'amasser pour assurer l'avenir, mais surtout d'avoir toujours plus. Il n'y a que les premiers millions qui coûtent. Il suffit de les placer à la banque, ils font des petits. Dans le monde nous passons souvent notre temps à thésauriser. Bon nombre de discours nous incitent d'ailleurs à développer le « chacun pour soi » et le »chacun chez soi ».

Et ce qui intéresse ceux qui ont obéi aux lois et aux commandements, c'est ce qu'ils ont acquis : nombreux mérites et vertus.

Tous ces gens ne sont plus eux-mêmes ; ils ne sont plus que ce qu'ils ont : un grenier bien rempli, une bonne situation ou un bon compte en banque, une conscience en paix ! C'est ainsi que Dieu leur dit : « Insensés ! » « Vous êtes fous : cette nuit même on vous redemande votre vie et ce que vous aurez mis de côté qui l'aura ? »

Ainsi, aux yeux de Dieu, ce n'est pas ce qu'il possède, même s'il en est fier, qui donne du prix à l'homme. Car tout cela est périssable. L'évangile oriente notre regard non vers une richesse matérielle de plaisirs éphémères, mais vers une richesse de l'être. Ce qui donne du prix aux yeux de Dieu, c'est ce que l'homme est.

L'être est bien plus important que l'avoir. Le riche propriétaire de l'évangile qui ne pense qu'à son grenier, est-il encore capable de voir autour de lui tous ceux-là qui ont faim ? Tous ceux qui sont malheureux et qui manquent de tout ? Et celui qui a réussi, comment regarde-t-il ceux qui ont échoué ? Sont-ils seulement à ses yeux des malchanceux, des minables ou des paresseux ? Le chrétien vertueux, quel regard porte-t-il sur ceux que l'on dit pécheurs ? Et cependant, nous dit Dieu, ce qui compte pour moi c'est l'homme. C'est lui qui a du prix et est impérissable.

Comment donc être riche aux yeux de Dieu ? Bien sûr en partageant. Nous croyons que nous nous enrichissons en amassant, en amusant avec les pièges tendus aux consommateurs que nous sommes et, tout en gardant bonne conscience, nous nous trompons d'itinéraire.

Le bonheur de l'homme, pour Dieu, passe nécessairement par le bonheur de l'autre ! Ne se sentons pas plus heureux quand on peut partager avec quelqu'un une joie personnelle ? En vacances, découvrir une balade à plusieurs, visiter un musé avec des amis ou bien jouer avec des enfants, ces moments resteront inoubliables tandis que les plaisirs égocentriques disparaissent comme de la fumée. Nous pouvons donc comprendre très concrètement ce que signifie s'enrichir en partageant. Essayons de casser l'isolement dans lequel la vie moderne nous enferme souvent, pour recréer le tissu communautaire et faire renaître le partage qui grandit l'homme et le rapproche de Dieu !

33e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Trop de siècles nous séparent de la rédaction de l'évangile, pour que certains de ses passages nous livrent spontanément leur secret.

Nous avons affaire aujourd'hui à une sorte de « message codé ». Dans la tradition biblique, parler de « fin du monde », est une façon d'exprimer sa foi au Dieu de l'Alliance. Déjà le prophète Malachie, annonçait la venue du règne de Dieu. Le « jour du Seigneur » serait comme l'apparition d'un soleil dont les rayons guériraient les justes, mais brûlant comme une fournaise pour consumer les impies. Encore au temps de Jésus, les juifs pieux croyaient que ce monde-ci devait un jour disparaître pour laisser place à un monde nouveau, pleinement en harmonie avec Dieu, un monde tout autre, où il n'y aurait plus de mal, de souffrances, ni de catastrophes naturelles mais un monde où le peuple de Dieu, régnant sur toutes les nations, conduirait celles-ci vers le Seigneur.

Souvent les mots manquaient pour décrire le passage de ce monde perverti à un autre plus parfait. C'est pourquoi la tradition biblique s'est forgé un langage, une sorte de code. Avec des images de bouleversements cosmiques, elle cherche à signifier et à symboliser la fin de ce monde mauvais. Ces expressions de catastrophes n'indiquent nullement le « comment » de ce qui va arriver, mais bien plus l'espérance en un monde meilleur, donné par Dieu. Et comme dans un message codé, le plus important n'est certainement pas le code, mais plutôt le message, l'important pour nous n'est pas de nous appesantir sur ces images étranges qui abondent dans le texte, mais bien de rechercher la foi qui se cache derrière ces images. Il faut aussi savoir qu'au moment où l'évangéliste Luc écrit cette page, la ville de Jérusalem à déjà été assiégée par le général romain Titus. En l'an 70, elle fut totalement détruite et le Temple fut incendié. « Il n'en reste rien. Tout a été détruit. ». Et pourtant le retour du Christ, revenant dans la gloire pour établir définitivement le règne de Dieu, n'est pas encore là. Luc avertit ses lecteurs : « Ce n'est pas une raison de croire que le moment de la fin du monde est arrivé. Elle n'est sans doute pas pour tout de suite. L'essentiel est donc de persévérer dans la foi et de demeurer disciple du Christ. Et si la persécution découle nécessairement du témoignage porté au nom du Christ, le chrétien ne doit pas s'en effrayer : le ressuscité reste avec lui.

Ainsi donc, nous n'avons pas besoin d'agitations mais de persévérance. Le Christ doit revenir certes, mais il reste mystérieusement présent à son Eglise, la soutenant dans le témoignage qu'elle a à donner, inspirant même les réponses que chacun devra proclamer face à ses détracteurs. D'une certaine manière, c'est tous les jours qu'il revient, pour établir son règne et rendre courage à chacun. De nos jours, face à l'évolution rapide de la société, à la démocratisation, à l'accès facile à tous les biens de consommation, face aussi aux progrès de l'incroyance, aux changements profonds des m½urs et à la perte de certaines valeurs morales, il n'est pas rare de rencontrer des gens perturbés, inquiets quant à l'avenir de l'humanité ! Où va-t-on ? demandent-ils. Où va-t-on si les grands de ce monde ne sont plus considérés ? Où va-t-on si ceux qui sont chargés de nous gouverner ou de maintenir l'ordre sont sans cesse remis en question ? Où va-t-on si l'aide sociale finit par encourager le chômage, si ceux qui ont de l'argent comptent moins que ceux qui n'en ont pas ? Où va-t-on si dans la société religieuse les dignitaires et la hiérarchie ne sont que serviteurs ? Et Dieu dans ce monde-là ou se retrouvera-t-il ? En haut, en bas, nulle part ? Ces gens perturbés souvent se plaisent à croire aux prophéties de malheurs, comme celles du secret de Fatima, des écrits de Nostradamus ou d'autres. Ils annoncent des révélations de faits terrifiants, des catastrophes prochaines. Ce serait la fin du monde !

Il nous faudra cependant, aujourd'hui encore, envers et contre tout, suivre cet homme : Jésus de Nazareth ! Sans nous laisser égarer par ceux qui se prétendent des envoyés spéciaux. Sans craindre ceux-là qui défendent leur pouvoir, en s'accrochant au passé, en rejetant à priori toute évolution sociale, en méprisant ceux qui ne pensent pas comme eux, en excommuniant ceux qui ne sont pas en règle et surtout en cherchant à faire peur par des annonces de malheur. Cessons donc de trembler et relevons la tête ! Il n'y a aucune raison de croire que la fin du monde est pour bientôt. « Mais c'est par votre persévérance, nous dit Jésus, que vous obtiendrez la vie ».

« Le jour du Seigneur », mais c'est chaque jour. C'est aujourd'hui, c'est demain, c'est chaque jour de notre existence. Le Seigneur est là !Depuis sa résurrection, il est sans cesse avec nous. Il nous soutient de son amour. Son Royaume est déjà là, mais il n'est pas encore achevé. Chaque jour, par notre persévérance et notre confiance en Lui, nous construisons un peu plus ce Royaume, jusqu'au jour inconnu de son achèvement.

19e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Maître, serviteur, ces mots reviennent souvent dans l'évangile de ce jour. Si ce n'est pas spontanément un vocabulaire que nous aimons, surtout en ce temps de vacances, cela vaut cependant la peine de s'arrêter pour en chercher le sens.

Jésus est sur la route de Jérusalem et il va vers sa passion. Ses paroles s'adressent à ses disciples qui doivent se préparer à son départ. En l'absence de Jésus, après sa mort, ils devraient être en attente, préparer l'établissement du Règne de Dieu, qui viendrait en son temps.

Avant donc de quitter ses disciples, Jésus leur avait dit : « Soyez comme des gens qui attendent leur maître. » Et il était parti. Il leur avait demandé de rester en tenue de service, de garder leurs lampes allumées. Il s'agissait donc pour eux de veiller et d'attendre activement . Les premières communautés chrétiennes ont espéré avec impatience un retour de Jésus. Elles étaient persuadées que le Seigneur reviendrait bien vite, qu'il ne tarderait pas trop. Il ferait lui-même justice et rendrait à chacun selon sa conduite. Cet espoir les a beaucoup aidé pendant les temps difficiles de la persécution. Il était une condition indispensable au soutien de leur persévérance. Mais avec les siècles, l'absence durait beaucoup plus que prévu et ses effets commençaient tout doucement à se faire sentir.

Comme le Christ ne semblait pas revenir, certains ne croyèrent plus à son retour, d'autres cherchèrent ailleurs. Plusieurs rêvaient aussi de recréer ici, dès maintenant, ce monde pacifié où il était allé. Ils cherchaient un peu à établir le paradis sur terre. Alors, pour cela ils se mirent à préciser, en son nom, des lois et des codes de morale. Ils imposèrent des règles de foi avec un pouvoir fort, qui pourrait s'exprimer au nom du grand Absent. Ainsi parviendraient-ils à resserrer les liens et à redorer un peu le blason du petit troupeau restant.

Oui, mais voilà, peut-être oubliait-on trop vite qu'il avait dit : « Restez en tenue de service et la lampe allumée » Alors, il faudrait, par delà nos prudences, nos craintes, nos manques de foi, devenir serviteurs comme il l'avait été lui-même. Hommes du XXème siècle nous savons bien que la fin du monde n'est pas pour bientôt et qu'à moins d'une catastrophe écologique, notre monde moderne peut toujours évoluer encore pendant bien des siècles. Il nous faudrait donc éclairer nos pas vers l'avenir à la lumière de son message, l'Evangile.

Tout d'abord ce maître attendu et tardant à venir est quelqu'un de surprenant : « Heureux les serviteurs que le maître trouvera ainsi en train de veiller. Amen, je vous le dis : c'est lui-même qui prendra la tenue de service et les servira chacun à son tour. » Avez-vous déjà vu un maître qui sert son serviteur ? Un maître qui, rentrant de voyage prend lui-même la tenue de service et sert son domestique ? Aucun maître sur terre n'agit comme cela.

Pourtant Jésus est capable de proposer un tel comportement. Alors que ses disciples se disputaient pour savoir qui était le plus grand, il leur déclare : « Je suis au milieu de vous à la place de celui qui sert » En une autre occasion, il dira encore : « Le Fils de l'Homme est venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Et en effet, au soir du jeudi-saint, il se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge qu'il noue à sa ceinture. Il verse de l'eau dans un bassin et commence à laver les pieds de ses amis et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. « C'est un exemple, dit-il, que je vous ai donné ». Nous avons donc un maître qui se fait serviteur de ses serviteurs. Voilà pourquoi il nous demande de rester en tenue de service. Puisque lui-même a vécu le service jusqu'à la mort, jusqu'à donner sa propre vie, nous pouvons lui ressembler lorsque nous nous faisons serviteurs et rendons service à ceux qui nous entourent. C'est l'occasion pour nous de nous demander si nous sommes comme lui d'abord et avant tout des serviteurs ? Sommes-nous aussi des veilleurs ? « Soyez comme des gens qui attendent » nous a-t-il dit.

Mais justement qui peut avoir encore aujourd'hui le temps d'attendre ? Le temps n'est-il pas de l'argent ? Et actuellement n'est-ce pas le temps qui coûte le plus cher ? En économie, ne sont-ce pas les délais qui sont les plus ruineux ?

Il est important pour nous chrétiens de ne plus confondre l'attente et l'impatience. L'attente du Royaume n'est pas celle d'un départ de T.G.V. ! Elle est davantage un c½ur en désir plutôt que la peur d'être en retard. Celui qui attend, c'est celui qui, regardant autour de lui, trouve encore un peu d'espérance et intensifie celle-ci d'un grand désir.

Ainsi nous verrions autour de nous et en nous, tant de gestes d'amour, de luttes pour la justice, pour la paix et l'entraide, pour la solidarité, tant de passions pour l'homme, pour son respect, pour sa grandeur que nous nous écrierions : « Mais le Seigneur est déjà là et nous ne l'avions pas reconnu ! » Nous le decouvririons présent et agissant, à travers tant d'hommes et de femmes au c½ur droit et sincère, à travers nous aussi ! Il est là présent et agissant dans le monde et dans les chrétiens, par son Esprit.

28e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Il y avait dix lépreux, exclus et rejetés par la société. Attention : contagieux !

Au temps de Jésus, dans la pensée juive, la maladie était signe du péché. Celui qui est malade est déclaré impur. Il est de ce fait temporairement exclu de sa communauté. En raison de son aspect horrible et hideux, La lèpre est presque l'expression parfaite du péché. Ces dix lépreux sont tenus en dehors, à l'écart de la vie sociale. Ils sont « excommuniés » C'est d'ailleurs à distance qu'ils s'adressent à Jésus et s'écrient : « Prends pitié de nous ».

Jésus ne supporte pas que la Loi, celle de Dieu son Père, soit ainsi détournée de son vrai but. La loi divine est une loi d'alliance. Elle est promulguée pour rapprocher les hommes de Dieu et les rapprocher entre eux. Elle est donnée pour que tous vivent d'amour. Et voici que dans les faits, cette loi condamne, exclut ceux qui ne peuvent supporter ses exigences. C'est pourquoi Jésus guérit les lépreux, au nom même de son Père.

Neuf d'entre eux sont purifiés et vont se montrer aux prêtres, pour être officiellement reconnus par eux et déclarés purs, afin de réintégrer leur communauté humaine. Le dixième ne se rend pas chez les prêtres. C'est un samaritain, un étranger, étranger surtout à la loi juive, considéré comme un hérétique. Pourtant lui seul fait demi-tour pour venir dire sa gratitude. Lui seul glorifie Dieu et rend grâce. Il se prosterne au pied de Jésus, reconnaissant en lui l'envoyé du Père. Lui seul va participer au salut offert par le Christ. Même s'il n'y est pour rien, s'il n'a aucun mérite, il vit déjà par la foi : « Ta foi t'a sauvé » lui dit Jésus.

Au temps de Jésus, il y avait dix lépreux, rejetés par tous. Et aujourd'hui, dans notre société actuelle, je vois tant d'exclus : Malheur à ceux qui sont cosovarts en ex-yogoslavie, arabes chez nous, jeunes à la rue, demandeurs d'asile en Belgique, immigrés refoulés, vieillards isolés, chômeurs de longue durée, enfants abandonnés, drogués en perdition ou victimes du sida. Et que dire de ceux qui n'existent même pas, rejetés dans l'oubli et l'indifférence. Ainsi donc, il y a encore tant d'exclus que nous croisons chaque jour sur le bord de nos routes, sans peut-être même les remarquer.

Au temps de Jésus, il y avait dix lépreux exclus par leur Eglise. Prenez garde, pécheurs ! Et je vois aujourd'hui, tous ceux que notre Eglise exclut elle aussi : celles et ceux que nos lois, nos exigences morales, nos rigueurs actuelles tant de fois répétées sur la contraception, sur la vie du couple, sur les chrétiens qui doutent et qui cherchent un sens à donner à la vie, sur les théologiens qui parlent autrement, tous ceux-là qu'avec l'autorité religieuse nous rangeons parmi les pécheurs et nous mettons au ban de notre société bien pensante. Et je me dis qu'au nom de Dieu son Père, Jésus aujourd'hui les guérirait encore, au risque même de le payer encore cher. C'est vrai qu'autrefois, il l'a payé très cher ! En effet, les prêtres et les lévites de Jérusalem, les docteurs de la loi juive ne le lui ont pardonné. Ils l'ont considéré comme un lépreux, comme un pécheur, un scélérat, un contagieux. Ils l'ont chassé de la ville sainte, accroché à une croix. Aujourd'hui, n'est-ce pas à nous à continuer ce qu'Il a fait, à ½uvrer efficacement pour plus de justice, de respect des droits humains, pour une réinsertion de tous ceux qu'une société inhumaine, dans laquelle nous tous plus ou moins impliqués, rejette. Même si cela nous en coûte. Quelle serait belle alors l'Eglise du Christ, quand des hommes malheureux et rejetés pourraient ainsi lui dire leur merci.