Quatrième dimanche de l'Avent B

Temps liturgique: Avent
Année liturgique: B
Date : 24 décembre 2023
Auteur: André Wénin

« À celui qui est le seul sage, Dieu,
par Jésus christ, à lui la gloire pour les siècles »
(Paul aux Romains 15,29)

Une promesse de Dieu au roi David (2e livre de Samuel, 7,1-5.8b-12.14a.16)

Le roi David habitait enfin dans sa maison. Le Seigneur lui avait accordé la tranquillité, loin de tous les ennemis qui l’entouraient. Le roi dit alors au prophète Nathan : « Regarde : j’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous un abri de toile ! » Nathan dit au roi : « Tout ce que tu as l’intention de faire, fais-le, car le Seigneur est avec toi. » Mais, cette nuit-là, la parole du Seigneur fut adressée à Nathan : « Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur, est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? […] C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois un chef sur mon peuple, sur Israël. J’ai été avec toi partout où tu es allé, j’ai abattu devant toi tous tes ennemis. Et je te ferai un nom aussi grand que celui des plus grands qui sont sur la terre, et je fixerai un lieu pour mon peuple, pour Israël, et je l’y planterai : il s’y établira et ne tremblera plus, et les malfaisants ne continueront pas à l’humilier, comme ils l’ont fait autrefois, depuis le jour où j’ai institué des juges sur mon peuple Israël. Et je t’accor­derai la tranquillité, loin de tous tes ennemis : aussi, le Seigneur te fait savoir qu’il te fera une maison. Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai après toi ton descendant qui sera né de toi, et je rendrai stable sa royauté. […] C’est moi qui je deviendrai pour lui un père ; et lui deviendra pour moi un fils. […] Ta maison et ta royauté resteront pour toujours solides devant moi, ton trône sera stable pour toujours. »

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Troisième dimanche de l'Avent B

Temps liturgique: Avent
Année liturgique: B
Date : 17 décembre 2023
Auteur: André Wénin

 

« Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche,
rendez grâce en toute circonstance. »

(1re Lettre aux Thessaloniciens 5,16-18)

Un optimisme rayonnant (Isaïe 61,1-2.10-11)

L’esprit du Seigneur dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a donné l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux affligés. Il m’a envoyé guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux déportés la délivrance, aux prisonniers la libération, proclamer une année de faveur de la part du Seigneur [, un jour de vengeance de la part de notre dieu pour consoler les endeuillés…]

Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon être exulte en mon dieu. Car il m’a vêtu[1] de vêtements de salut, il m’a couvert d’un manteau de justice, comme le jeune marié coiffe un diadème, comme la jeune mariée se pare de ses bijoux. Comme la terre fait sortir son germe et comme le jardin fait germer ses semences, le Seigneur dieu fera germer justice et louange devant toutes les nations.

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Deuxième dimanche de l'Avent B

Temps liturgique: Avent
Année liturgique: B
Date : 10 décembre 2023
Auteur: André Wénin

 

« Ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur,
c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où la justice habitera. »
(2e Lettre de Pierre 3,13)

Un passage du psaume proposé à la méditation après la 1re lecture de ce dimanche esquisse la logique des passages d’Isaïe et de Marc. « La promesse du Seigneur, c’est la paix pour son peuple, ses fidèles » (Ps 85,9). Pour que cette nouveauté advienne, une rencontre entre ciel et terre doit avoir lieu, une convergence entre Dieu et les humains « pourvu qu’ils ne retournent pas à leur folie ».

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Premier dimanche de l'Avent B

Temps liturgique: Avent
Année liturgique: B
Date : 3 décembre 2023
Auteur: André Wénin

 

« Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés
à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur. »

(1re Lettre aux Corinthiens 1,9)

Rester éveillé (Marc 13,33-37)

[Jésus disait à ses disciples :] « Prenez garde, restez en éveil : car vous ne savez pas quand c’est le moment. C’est comme un homme parti à l’étranger : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et ordonné au portier de rester éveillé. Restez donc éveillés, car vous ne savez pas quand le maître de la maison arrive, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis, je le dis à tous : restez éveillés ! »

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Christ-Roi : 34ème dimanche ordinaire A

Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique: A
Date : 26 novembre 2023
Auteur: André Wénin

« Même si je vais dans des ravins d’ombre et de mort,
je ne crains aucun mal, car tu es avec moi »
(Psaume 23,4)

« C’est le Christ qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort. » Dans ce bref texte de la 1re lettre aux Corinthiens (15,25-26), l’apôtre Paul explicite une dimension essentielle de sa foi : par la résurrection, le Christ a vaincu la mort, et cette victoire est destinée à s’accomplir pour toute l’humanité. Mais un peu plus haut, il a précisé deux choses : la mort dont il parle est celle « qui est venue par un homme » (v. 21), et ceux qui recevront la vie sont ceux « qui appartiennent au Christ » (v. 23). Il importe que la royauté – le pouvoir suprême – soit celle du Christ. Autrement, la mort régnera.

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33ème dimanche ordinaire A

Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique: A
Date : 19 novembre 2023
Auteur: André Wénin

« Heureux qui craint le Seigneur et marche selon ses voies !
Tu te nourriras du travail de tes mains :
Heureux es-tu ! À toi, le bonheur ! »
(Psaume 128,1-2) 

Quel est le lien entre l’éloge de la « femme de valeur » à la fin du livre des Proverbes et la parabole des talents de l’évangile de Matthieu ? En principe, il devrait y en avoir un, mais je ne parviens pas à le voir. Sans doute les deux textes proposent-ils des personnages zélés, mais est-ce bien là ce qu’ils cherchent à dire ?

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32ème dimanche ordinaire A

Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique: A
Date : 12 novembre 2023
Auteur: André Wénin

« Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon être a soif de toi»

(Psaume 63,2)

Les évangiles des derniers dimanches de l’année liturgique sont toujours centrés sur la question de la fin, en termes savants, l’eschatologie (littéralement, discours sur ce qui vient en dernier lieu). Les textes rappellent avec insistance le caractère passager ou transitoire de toute réalité humaine confrontée un jour ou l’autre à sa fin. Les sages grecs insistaient de leur côté sur l’importance qu’il y a à garder conscience de cette fin : c’est elle, en effet, qui fixe définitivement le sens des réalités humaines. Il en est ainsi des Écritures bibliques qui invitent à considérer et à vivre le présent à la lumière de la fin. Non pour se résigner face aux imperfections, aux difficultés et aux souffrances du temps présent en se disant que cela ira mieux après, dans l’autre vie. Au contraire, pour rester vigilant. Car si la fin est inéluctable, il n’y a pas de temps à perdre pour vivre pleinement.

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31ème dimanche ordinaire A

Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique: A
Date : 5 novembre 2023
Auteur: André Wénin

« Quand vous avez reçu la parole de Dieu (…),
vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement : non une parole d’hommes,
 mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants
. »

(1re Lettre aux Thessaloniciens 2,13)

Les lectures de ce dimanche parlent toutes de personnes détenant une autorité au sein de communautés croyantes. Le prophète Malachie parle des prêtres, l’évangéliste Matthieu, des spécialistes de la Loi et des pharisiens, tandis que l’apôtre Paul évoque sa propre position dans la communauté de Thessalonique. 

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Toussaint

Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique: A
Date : 1 novembre 2023
Auteur: André Wénin

« Voyez quel grand amour nous a donné le Père
pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. »

(1re Lettre de Jean 3,1)

Ceux-là viennent de la grande épreuve (Livre de la Révélation 7,2-4.9-14)

Le livre de l’Apocalypse évoque apparemment la fin des temps et n’hésite pas à mettre en scène de violentes catastrophes cosmiques. En réalité, c’est un écrit de résistance qui cherche à insuffler courage et ténacité à des chrétiens qui connaissent la persécution, en leur « révélant » (sens du verbe grec apocaluptô) ce qui compte véritablement pour Dieu. Il le fait à la lumière de la foi au Christ mort et ressuscité, et au moyen d’images codées, comme celle de l’Agneau immolé mais debout (5,6), figure du Christ mort et ressuscité. Le texte qui suit évoque celles et ceux qui sont associés à sa victoire sur la mort.

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30ème dimanche du temps ordinaire

Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique: A
Date : 29 octobre 2023
Auteur: André Wénin

« Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !. »
(Psaume 18,3)

Deux lectures du 30e dimanche proposent de réfléchir à la loi biblique et à sa pertinence pour aujourd’hui. Un extrait d’un vieux recueil de lois d’Israël aligne quelques normes relevant de l’éthi­que sociale dans un contexte qui n’est plus du tout le nôtre, et le passage de Matthieu aborde une question d’actualité… à l’époque de Jésus et de Matthieu, à propos des multiples lois de l’Ancien Testament. En quoi des deux textes donnent-ils à penser ?

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29ème dimanche du temps ordinaire

Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique: A
Date : 22 octobre 2023
Auteur: André Wénin

« Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière,
racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles ! »

(Psaume 96,1.3)

Mise en boîte (Matthieu 22,15-21 / Luc 20,20-26)

Ce passage de l’évangile de Matthieu est la suite immédiate des textes lus les dimanches précédents. Dans le récit, Jésus se trouve à Jérusalem – cœur de la religion d’Israël. Peu après qu’il y soit arrivé, voyant un figuier sans fruits à lui offrir, Jésus déclare qu’il n’en portera plus jamais (21,18-19). Ce figuier desséché est en réalité une figure de la sclérose de la religion pratiquée alors à Jérusalem – c’est ainsi que Matthieu la voit, en tout cas. Un vif débat s’engage alors entre Jésus et les autorités judéennes, à qui il parle au moyen d’une série d’histoires : les deux fils envoyés à la vigne, les vignerons meurtriers et le festin des noces. Toutes ces paraboles donnent le « mauvais rôle » à des personnages dans lesquels grands prêtres, anciens du peuple et pharisiens peuvent se reconnaître. Suite à l’histoire des vignerons, ils veulent arrêter Jésus. Mais la crainte du plus grand nombre qui voit en lui un prophète les en empêche. Après la parabole des noces, les pharisiens élaborent une tactique pour arriver à leurs fins.

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28ème dimanche du temps ordinaire

Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique: A
Date : 15 octobre 2023
Auteur: André Wénin

« Je peux tout en celui qui me rend fort. »

(Lettre aux Philippiens 4,13)

Les deux textes de l’Ancien Testament retenus pour ce dimanche évoquent l’image d’un banquet qui est aussi au centre de la parabole tirée de l’évangile de Matthieu. Un élargissement de la perspective s’observe d’une lecture à l’autre, à partir du psaume 23.

« Tu prépares une table » (Psaume 23)

Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer ; il me conduit vers les eaux tranquilles. Il restaure ma vie, me mène sur des sentiers de justice à cause de son nom. Même si je marche dans la sombre vallée de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me conforte. Tu prépares une table pour moi face à mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe déborde. Bonheur et grâce me suivront tous les jours de ma vie ; je reviendrai à la maison du Seigneur au long de mes jours.

Le priant exprime ici sa confiance inébranlable en Dieu. Le fond de cette confiance, c’est la grande aventure d’Israël : l’exode. Le Seigneur s’y est fait le berger de son peuple : en lui faisant traverser la mer Rouge, il l’a guidé « à travers la sombre vallée » où il risquait la mort. Il l’a ensuite conduit au désert, l’y a fait vivre, nourri, protégé. Il l’a enfin introduit dans le pays promis dont il lui a donné les fruits, l’huile de joie et le vin nouveau, le libérant de ses ennemis. De là vient la confiance sans réserve que le priant met en lui. Dans ce contexte, le repas de fête est une image du salut accordé par le Seigneur à Israël, en particulier le repas rituel partagé au temple, « à la maison du Seigneur ».

« Le Seigneur de l’univers préparera un festin » (Isaïe 25,6-10a)

Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de délices, un festin de bons vins, délices succulents et vins raffinés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile qui voile tous les peuples et la couverture qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple, car le Seigneur a parlé. Et ce jour-là, on dira : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous de son salut ! » Car la main du Seigneur reposera sur cette montagne.

Ce texte prophétique vient élargir la perspective du psaume : le salut que le Seigneur a offert à Israël et qui était signifié par un banquet, sera ouvert à « tous les peuples » qui afflueront « sur cette montagne », le mont où se dresse le temple du Seigneur à Jérusalem. Là, des mets de choix attendront les peuples pour un joyeux festin. Ce qui les attirera à cet endroit, c’est la victoire que Dieu remportera sur la mort : collectivement, il ôtera cette menace qui assombrit l’avenir de toutes les nations et les couvre d’un voile de deuil ; individuellement, il consolera celles et ceux que la mort frappe. Désormais, tous ceux qui auront espéré en lui seront « son peuple ». De la sorte, l’aventure de l’exode, au cours de laquelle le Seigneur a arraché Israël à l’esclavage et à la mort, deviendra réalité pour toutes les nations. Et de même qu’après avoir été libérés de la menace de mort que le pharaon et son armée faisaient peser sur eux, les Israélites ont exulté de joie en chantant le salut reçu de Dieu, de même les nations se réjouiront de voir enfin réalisé le salut tant espéré, quand Dieu « aura englouti (littéralement) la mort pour toujours ».

« J’ai préparé mon festin… » (Matthieu 22,1-14)

Les deux lectures de l’Ancien Testament offrent – pour une fois – un bel arrière-plan à la parabole matthéenne du festin qui, à son tour, leur ajoute une dimension : ce festin est celui « des noces » du fils d’un roi – en clair, le banquet de l’alliance de Dieu avec l’humanité en Jésus, le « fils ». À la lumière de la résurrection, en effet, les premiers chrétiens ont compris qu’en Jésus, Dieu invite les êtres humains à entrer en alliance avec lui, les noces étant la métaphore de cette alliance.

Jésus répondit et, de nouveau en paraboles, il dit [aux grands prêtres et aux pharisiens] : « Le royaume des cieux est comparable à un homme, un roi, qui fit des noces pour son fils. Il envoya ses serviteurs appeler les invités à la noce, mais ils ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs disant : “Dites aux invités : ‘Voilà : j’ai préparé mon festin, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés, tout est prêt : venez à la noce’.” Mais négligeant [l’invitation], ils s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres saisirent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi se mit en colère et, envoyant ses troupes, il fit périr les meurtriers et incendia leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : “La noce est prête, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, appelez-les à la noce”. Ces serviteurs sortirent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la noce fut pleine de convives. Étant entré pour regarder les convives, le roi vit là un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Il lui dit : “Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?” Il garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura pleurs et grincements de dents.” Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »

Dans l’évangile de Matthieu, la parabole suit celle des vignerons homicides (27e dim. ord. A). En la prononçant, Jésus répond à la réaction de ses interlocuteurs, les grands prêtres et les pharisiens qui, comprenant que l’histoire des vignerons les vise, cherchent à l’arrêter. En fait, Jésus enfonce le clou, car cette nouvelle histoire confirme la précédente en la prolongeant. Dans cette parabole, les premiers invités à la fête de l’alliance « ne veulent pas venir », sans même prendre la peine de justifier leur refus. Alors le roi insiste, se fait pressant : il a tout préparé. Mais l’invitation ne rencontre qu’indifférence ou négligence chez certains, qui estiment que leur business – récolte ou magasin – est plus important. D’autres, irrités, réagissent avec violence et s’en prennent aux serviteurs. D’où la réaction courroucée du roi qui châtie durement les assassins.

Il n’est guère difficile de voir dans cette histoire un écho aux deux paraboles que Jésus vient d’adresser aux autorités du peuple. Ces invités, en effet, sont semblables au fils qui répond oui à son père qui il lui demande d’aller travailler à la vigne, mais n’y va pas (voir Matthieu 21,28-32, 26e dim. ord. A). Ils sont comme les vignerons qui maltraitent et tuent les serviteurs venus réclamer les fruits des vendanges, avant de faire subir le même sort au fils du maître en personne (voir 21,33-41). Quant au roi, il a la réaction que les interlocuteurs de Jésus imaginaient être celle du maître de la vigne : « il fait périr misérablement » ceux qui ont assassiné ses serviteurs et son fils (21,31), incendiant leur ville par-dessus le marché.

La suite est doublement surprenante. Il y a d’abord la façon dont le roi remplace les invités indignes. Voulant que les noces de son fils soient fêtées dignement, il envoie ses serviteurs appeler le tout-venant, « tous ceux que vous trouverez » dans les rues, sans distinction aucune, le but étant que les convives assistent au festin en nombre. Aucun tri n’est fait : les méchants comme les bons sont donc rassemblés pour la fête. Quelle générosité de la part du roi, quelle ouverture d’esprit ! On est dès lors étonné devant la scène finale : quand le roi vient voir avec satisfaction les personnes rassemblées, il repère un des convives qui ne porte pas le « vêtement de noce » et il le fait expulser sans ménagement. Curieux : où les autres ont-ils été chercher un tel vêtement, s’ils étaient dans les rues ? Pourquoi celui-là n’en est-il pas vêtu ? Et que signifie ce traitement ?

Il est assez fréquent de trouver un élément inattendu dans une parabole. (Il y en a d’ailleurs plus d’un ici : pourquoi certains des invités tuent-ils les serviteurs du roi ? Pourquoi celui-ci incendie-t-il leur ville et laisse-t-il le repas refroidir en attendant ?) Une parabole, en effet, vise à susciter la réflexion. À propos du vêtement de noce, on peut penser qu’il s’agit des bonnes œuvres, mais ce n’est pas cohérent puisque les méchants sont appelés comme les bons. Sur la base d’un rapprochement avec le Talmud, on a pensé à la pureté qui vient du repentir, ou de celle que l’on reçoit au baptême. En réalité, la solution se trouve peut-être dans la parabole elle-même, comme le suggère Élian Cuvillier. Quand le roi interpelle l’homme en disant « Mon ami », il ne fait preuve d’aucune hostilité envers lui. Et ce ne doit pas être l’absence du vêtement adéquat qui fait problème, sans quoi chasserait l’homme tout de suite. Or, en posant une question, le roi cherche à entrer en dialogue avec lui pour comprendre comment il a pu entrer sans que son cœur soit à la fête – le vêtement figurant ici l’intérieur de l’être. Mais il « garde le silence » – un verbe qui laisse penser qu’il aurait quelque chose à dire mais ne veut pas en parler. Ainsi, ce qui pousse le roi à demander à ses serviteurs de jeter l’homme dehors, c’est son mutisme, son refus de répondre à un quelqu’un qui cherche à entrer en dialogue, quelqu’un qui pourrait lui ouvrir d’autres perspectives…

Au-delà de la signification du récit lui-même ou à travers elle, il y a ce que Matthieu cherche à dire à sa communauté. Cela peut expliquer quelques bizarreries de la parabole. Dans l’histoire des vignerons, Matthieu interprète le rejet de Jésus par les Judéens à la lumière du passé d’Israël ; dans celle du festin des noces, il interprète l’histoire de la jeune Église à la lumière de celle de Jésus. Bref, il fait anticiper par ce dernier une histoire dont lui-même, l’évangéliste, a été partie prenante et qui affecte la communauté chrétienne pour laquelle il écrit. La situation à la fin du 1er siècle pose problème à bien des membres issus du peuple de la première alliance : pourquoi les communautés chrétiennes comptent-elles beaucoup de croyants issus des nations, et peu venant d’Israël ?

La parabole du festin des noces répond à cette question. Dans la fiction du récit de Matthieu, les autorités judéennes, religieuses (grands prêtres) et laïques (pharisiens), à qui ces histoires sont adressées se reconnaissent elles-mêmes dans ceux qui résistent au projet de Dieu en Jésus (voir Matthieu 21,45). Ici, ce sont elles, les invités qui ne veulent pas de l’alliance nouvelle que Dieu leur propose – tout comme leurs ancêtres lui avaient été infidèles en refusant la parole des prophètes. Et puisqu’ils s’en sont pris aux serviteurs de Dieu – y compris Jésus –, ils ont reçu un juste salaire : selon Matthieu (qui écrit vers l’an 80), leur châtiment, c’est la guerre menée par Rome contre les Judéens entre 66 et 70 de notre ère, guerre qui s’est soldée par des massacres et l’incendie de Jérusalem par les armées de Titus. Par ailleurs, comme la majorité du peuple de l’ancienne alliance ne s’est pas montrée intéressée par l’invitation que Dieu leur adressait en Jésus, le Roi a envoyé ses serviteurs – apôtres et prédicateurs chrétiens – vers les nations païennes qui, jusqu’alors, n’étaient pas impliquées dans l’histoire d’alliance entre Dieu et Israël. Et elles ont répondu en masse !

Cela dit, rien n’est joué pour qui est « entré dans la salle des noces » : est-il prêt à entrer en dialogue avec le roi et, le cas échéant, à accepter de changer de vêtement pour être vraiment au diapason de l’alliance en Jésus ? Car si la parabole ne pointe qu’un seul des convives, la sentence finale lance un avertissement bien plus général : si beaucoup sont invités à devenir les alliés de Dieu, peu seront élus. L’opposition entre « beaucoup » et « peu » est une façon de souligner l’importance pour chacun de faire le bon choix.

Bible et liturgie

Commentaires des lectures du dimanche par André Wénin

L’Église ne sait pas ce qu’elle perd à négliger le Testament de la première Alliance…

Les textes qu’on lira sous cette rubrique ne sont pas des homélies. J’y propose plutôt un commentaire, à mi-chemin entre une analyse exégétique et une lecture attentive à la fois au texte biblique et à la réalité humaine qui est la nôtre.
La traduction des textes commentés (le plus souvent les passages de l’Ancien Testament et de l’évangile) est très souvent corrigée. La version liturgique est globalement insatisfaisante, en effet. Elle lisse le texte au point d’en gommer les difficultés, c’est-à-dire précisément les points où peut venir "s’accrocher" le commentaire parce qu’ils posent question. Quant au texte de l’Ancien Testament, il est fréquemment amplifié de manière à restaurer le passage dans son intégralité en vue du commentaire. 

André Wénin